Ce petit manuel, malheureusement épuisé depuis de nombreuses années, mériterait bien une réimpression. De même qu’il mériterait (si ce n’est déjà le cas) d’accéder au rang d’ouvrage « classique » concernant la recherche du premier christianisme. Malgré son ancienneté (l’ouvrage a parut il y a plus de 25 ans), il demeure toujours très actuel, et surtout d’une très grande utilité, notamment pour les étudiants et les chercheurs. Mis à part l’obsolescence de la bibliographie, qui s’est considérablement étoffée au cours des vingt dernières années, les indications qu’il fournit (notamment toutes les descriptions physiques des manuscrits, leur contenus, ainsi que les conditions de leur découvertes et les premières études qu’ils ont suscités) restent d’une aide très précieuse.
C’est en réalité le seul manuel de ce genre disponible en langue française sur le sujet de la littérature gnostique. J’utilise en toute conscience le terme de « manuel », car il me semble être tout à fait appropriés en ce qui concerne le travail proposé par Tardieu et Dubois. En effet, la composition même de l’ouvrage reflète celle utilisée pour tout manuel « pratique » : un premier chapitre consacré à l’histoire du mot « gnostique » (la définition, proposée en l’occurrence ici par Tardieu, reste totalement valable) ; une seconde partie consacrée aux instruments de travail (bien qu’il manque les derniers ouvrages et outils parus depuis, la liste proposée par J.-D. Dubois reste tout à fait pertinente) ; enfin, une dernière partie propose un répertoire de l’ensemble des manuscrits gnostiques, ou apparentés gnostiques, retrouvés avant 1945. 1945 étant la date de la découverte des manuscrits de Nag-Hammadi. Excepté, comme nous l’avons déjà signalé, l’obsolescence des bibliographies proposées après chaque description de manuscrits, celle déjà présente est d’un intérêt certain.
L’ouvrage se présente comme le premier tome d’une introduction à la littérature gnostique. Par là, effectivement, les auteurs n’ont pas pour but de proposer une présentation totalement exhaustive du phénomène gnostique. Il s’agit, encore aujourd’hui, d’un continent qu’il reste en grande partie à découvrir. Toutefois, si leur « introduction » ne cherche pas l’exhaustivité, elle est toutefois très complète et propose un tour d’horizon extrêmement riche de cette littérature. S’il s’agit effectivement du premier tome, il est vain de chercher le second. En effet, nos auteurs n’ont visiblement jamais mis en chantier le second ou, s’ils l’on fait, sa publication tarde depuis de nombreuses années. Il est toutefois question du second tome dans l’avant-propos signé par Michel Tardieu. Un second tome entièrement consacré aux textes de la bibliothèque de Nag-Hammadi. On imagine dès lors aisément l’importance, autant sur le plan du contenu que sur celui de l’aspect « physique », d’un tel ouvrage. En effet, la bibliothèque de Nag-Hammadi (qui a depuis été intégralement traduite et publiée dans la Bibliothèque de la Pléiade) compte près d’une cinquantaine de textes, là où les ouvrages gnostiques étudiés dans ce premier tome se résume à une petite dizaine. L’ampleur de la tâche explique peut-être le retard conséquent de cette publication. Ou bien, nos deux auteurs ont-ils jugés qu’il était désormais inutile de produire un ouvrage sur cette bibliothèque, qui a depuis été amplement commentée, même si un ouvrage de synthèse en langue française serait le bienvenu.
Un mot des auteurs maintenant. Michel Tardieu, que certains ont put voir dans la série documentaire L’Apocalypse par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, a été successivement attaché de recherche au CNRS (de 1973 à 1976), directeur d’étude à l’École Pratique des Hautes Études (de 1976 à 1991), directeur du Centre d’Études des Religions du Livre (de 1984 à 1991), professeur au Collège de France, chair d’Histoire des Syncrétismes de la fin de l’antiquité (de 1991 à 2008) et directeur de l’Institut d’Histoire des Christianismes Orientaux du collège de France (de 1991 à 2008). Il est désormais professeur honoraire de ces établissements. Michel Tardieu a principalement travaillé sur le gnosticisme et le manichéisme. Il est notamment le fondateur et l’éditeur de la collection « Sources Gnostiques et Manichéennes » aux éditions du Cerf. Il est l’auteur de très nombreux articles. Parmi ses ouvrages, citons : Trois mythes gnostiques. Adam, Éros et les animaux d’Égypte dans un écrit de Nag-Hammadi (1974), Le manichéisme (chez Que sais-je ?), Recherches sur la formation de l’Apocalypse de Zostrien et les sources de Marius Victorinus (1996). Jean-Daniel Dubois est également un spécialiste de l’histoire des mouvements gnostiques anciens, de la religion manichéenne et de la littérature apocryphe chrétienne. Il est actuellement directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études, chair de Gnose et de manichéisme. Par ailleurs, il dirige depuis quelques années la revue Apocrypha, consacrée à l’étude des apocryphes chrétiens. Parmi ses ouvrages récents, nous pouvons citer une compilation d’un choix de textes apocryphes chrétiens publiée chez Librio ainsi qu’un Jésus apocryphe chez Desclée. Il prépare un commentaire de l’Apocalypse de Pierre ainsi qu’un commentaire des Actes de Pilate.
Si, comme nous l’avons dit, cette introduction à la littérature gnostique demeure assez difficile à se procurer, il ne faut tout de fois pas y renoncer. Elle s’avèrera d’une utilité certaine et toujours très actuelle.